lMonique Thomassettie, Intuition, tome VII, éd. Monéveil

Le Journal intime, quoi que l’on puisse en penser, reste d’actualité, même s’il en paraît moins aujourd’hui qu’au 19 et au 20e siècles. Nous avons ainsi rendu compte des divers tomes de celui de France Bastia. Et, bien sûr, ils on tous leurs particularités. On pourrait parfois les intituler Thermomètres de l’âme, ou bien Autoportraits. Impossible, bien sûr, à l’auteur de ne pas s’y trahir peu ou prou. Ainsi, l’un des plus célèbres, celui de Joubert, qui comporte es milliers de pages, fait preuve d’une telle méticulosité qu’il tourne à la fin au maniaque: c’est le compte-rendu minutieux qui étouffe la vie: on ne peut être responsable de tout ce que l’on observe.

Mais qu’en est-il de Monique Thomassettie? Je dirais volontiers: le primesaut la grâce légère. Les enfants. Les couleurs. L’atmosphère. Bien sûr aussi, la vie littéraire, l’édition, les expositions – car elle est à la fois peintre et auteure. Mais ce ne sont pas les meilleures pages. Elle a un sens très fin de la couleur du temps, du ciel, des arbres, des saisons…Le lecteur n’a plus qu’à se laisser aller au fil de l’eau, ou de l’inspiration. Parfois un ange passe…C’est cela, la véritable vie d’artiste. Tout le reste n’est que bavardage.

 

C’est là source d’une grande beauté, de la vie, qui malgré ses angoisses, ses horreurs – la guerre, bien sûr – reste belle. Ces étranges châteaux qu’il nous faut toujours reconstruire, contre vents et marées. Non pas un cocon dont on s’entoure, dont on entoure les êtres aimés, mais une forteresse aux portes grandes ouvertes. En rue des mendiants peuvent me serrer le cœur quand j’imagine soudain les bébés qu’ils ont été, la promesse manquée d’une vie..(p.68) Moi aussi, il m’est arrivé de songer à la grâce de cet enfant que fut Marc Dutroux. Quoi? Même Dutroux?  Oui, même Dutroux, sans quoi plus rien ne resterait debout, et c’est aussi notre vie à nous.

La grâce de ces tableaux d’enfance, quand elle observe ses petites-filles: Depuis tout un temps, elle aimerait plus tard « inventer » des choses, et demande « s’il est difficile de devenir chercheur ». Celia prit alors les deux (poupées) dans ses bras, disant: « Ce sont mes filles. Elles ont des noms: Bouton rose et Bouton d’or » A ma connaissance, c’est la première fois qu’elle donne des noms à une poupée. Oui, la grâce, elle est partout, autour de nous, au bord du chemin. Mais nous sommes tellement préoccupés de nous-mêmes que nous oublions de regarder.

Et elle nous dira bien, versifiant:

Toute enfance/ est une éternité inachevée.,

et puis, plus loin:

L’inachèvement dont je parle/ /résulte de l’inégalité/devant les moyens de cultiver ses dons.//Que de « Mozart assassinés » en tous domaines!

Et, p.196, peut-être une clé: Pour revenir à l »autisme », il me revient des mots passés: C’est elle! Et un tableau.  Il est bien vrai que l’artiste, penché sur ses gouffres intérieurs, est plus qu’un autre sujet à l’enfermement sur soi. Mais l’autime peut se transfigurer en autrisme. Ainsi, quelques pages auparavant, p.184: J’ai de nouveau apprécié le goût sûr de Célia pour les couleurs.

Comme dans une forêt, l’arbre le plus solitaire n’est jamais seul. Apprendre à voir, à écouter, c’est la plus grande souffrance. Mais nul ne peut en faire l’économie. C’est l’ apprentissage même de la vie.

Joseph Bodson