Philippe Colmant, Du bout du jour, poèmes, Demdel, préface de Martine Rouhart.

De superbes photos, de ces ciels de fin du jour, parfois on ne sait trop,certaines aubes ont elles aussi de ces reflets de théâtre, annonçant des jours menaçants ou superbes. Et c’est vrai que l’on ne peut pas toujours prévoir ce que seront ces jours, tragédies ou feux de joie, et que notre vie elle-même est tissée de tant d’incertitudes…Les poèmes de Philippe Colmant ont eux aussi cette qualité d’être indécis, se perdant parfois dans le vague. Sans rien en lui qui père ou qui pose, comme disait Verlaine. Tout leur charme, me semble-t-il, est fait de murmures et de sous-entendus.

Ecoutons-le plutôt, à la page 95: Sous la brise légère/De l’aurore fragile,/Je regarde les arbres/Onduler mollement.//De cette houle verte/Montent des chants d’oiseaux/Comme des bulles d’air/Dans un ciel de champagne.//Il reste quelques rêves/Oubliés par la nuit/Dans les replis du cœur//Où le jour n’entre pas.

A peine une notation d’un humour léger, comme des notes de clavecin qui s’égrènent dans la nuit, à peine l’écho du dernier chant du merle, en juin, et c’est tout un mystère, un drame, sombre ou léger, qui vient appesantir l’atmosphère. Shakespeare, dans Le songe d’une nuit d’été, ne procède pas autrement, ni Maeterlinck, qui marchait sur ses traces.

N’analysons pas trop, ici, seul le silence est grand, et nulle pédanterie ne doit venir l’assourdir. Voici encore, p.30:

Mon rêve s’est posé/Sur le lac de tes yeux/Comme l’oiseau d’une île/Venu à tire-d’aile/Voir le soleil couchant/S’empêcher  de mourir

Il y a chez lui cette qualité rare de la plénitude. Une sorte d’échec au temps, comme si, en ces nuages sombres ou mordorés, le temps venait se mêler à l’éternité. Comme si les gestes, les sons nous parvenaient au travers ‘une matière autre, à la fois plus dense et plus légère: comme un air de poésie. Et tout cela, sans aucune fausse note…

Joseph Bodson