Renaud Denuit, Capitales européennes de la Culture: un rêve de Melina, Académie royale de Belgique.

Un livre déroutant à première vue: après la belle préface de Michel Demoulin, on attend la voix de Renaud Denuit…et c’est Jack Lang qui nous parle! Jack Lang qui fut longtemps un ami très proche de Melina Mercouri, puisque leurs fonctions parallèles, en Grèce et en France, les amenèrent à se rencontrer et à sympathiser, jusqu’à concevoir à deux cette belle utopie: en quelques sorte, une Communauté européenne de la culture, inscrite dans le cadre des Capitales, et puis aussi des Villes européennes de la culture.

Mais les utopies on besoin de s’incarner, si elles veulent s’inscrire dans la réalité. Les obstacles furent nombreux: manque d’intérêt dans certains pays, chez  certains politiciens, projets parfois démesurés (mais il faut tout de même savoir rêver), changements de majorités, en Grèce comme en France… Mais les deux rêveurs enthousiastes étaient aussi de grands réalistes; et la Culture finira par devenir, tout comme l’agriculture ou l’enseignement, une des Directions de la communauté.

C’est avec le même enthousiasme que Renaud Denuit fait dialoguer ses deux protagonistes (avec l’aval bien sûr de Jack Lang), et cela nous vaut quelques points d’orgue, parmi les nombreuses incarnations du projet:: ainsi, Mme Thatcher qui en profite pour booster une ville industrielle en détresse, la belle réussite, la même année (car l’intégration de l’Europe de l’Est entraînera la célébration de deux villes par an), de Breslau et de San Sebastian, deux villes à la personnalité bien marquée, en des domaines très différents. Enfin, Mons, qui prit de nombreuses initiatives, notamment dans le domaine littéraire.

Mais ce ne fut pas seulement une réussite de prestige, amenant les jeunes à s’intéresser à la géographie de l’Europe. Les retombées commerciales et financières furent nombreuses et remarquables. Les visiteurs étaient le plus souvent très nombreux; la concurrence entre plusieurs villes du même pays entraîna bien souvent une prise de conscience du patrimoine culturel national. La Communauté fit d’ailleurs appel à un bureau d’études pour mesurer ces retombées. Le financement était assuré en bonne partie par la Communauté, mais aussi, le plus souvent, par les états , les régions, et les villes elles-mêmes.

Dans la dernière partie, La lettre envolée, où Renaud Denuit prête sa voix à Melina Mercouri elle-même, c’est Renaud Denuit poète qui occupe l’avant de la scène pour célébrer avec enthousiasme  la Communauté, l’amitié entre ses peuples, et la belle initiative de ces deux personnalités éminentes et surtout porteuses d’espoir…et de foi, cette foi qui renverse les montagnes. On en a bien besoin, en ces jours présents, où la grisaille s’est installée…

Joseph Bodson

 

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